Pourquoi vous êtes-vous particulièrement intéressée à la cause des femmes en grande difficulté ? J’ai été la première à m’occuper des femmes dans la rue. A l’époque, il y a dix ans, personne ne s’en souciait. Pourtant les femmes portent et transmettent la vie. Celles qui sont dans la rue ne peuvent plus assurer la transmission de l’éducation à leurs enfants. Il faut d’abord qu’elles réapprennent à vivre. La souffrance de ces femmes m’a émue. Je suis née dans une famille matriarcale et je connais l’importance et le rôle des femmes dans une société. De quels outils disposez-vous pour aider les femmes ? Les femmes que nous aidons doivent faire un énorme travail sur elles-mêmes. Il leur faut souvent du temps pour renaître, dénouer le noeud qui fait qu’elles ont du mal à vivre. Au sein de la maison Coeur de femmes, nous les épaulons. Pour celles qui commencent à aller mieux, nous avons créé La Péniche, sur le pont de Neuilly : les femmes y sont accueillies pour stabiliser leur nouvel état de réussite, avant leur retour à l’autonomie. Avec plus de moyens, que voudriez-vous mettre en place ? Nous avons pour l’instant une halte de jour près de la gare de Lyon, où nous pouvons accueillir une centaine de femmes. Ce lieu s’adresse aux femmes les plus cassées, celles qui vivent une très grande souffrance, tant matérielle que psychique. Avec d’autres moyens, nous pourrions par exemple prévoir un accueil de nuit. Il s’agirait d’aménager un lieu très simple, de type garage même, pour celles qui sont très cassées et qui en même temps refusent les lieux pour se loger. C’est un peu paradoxal mais il y a de nombreuses femmes qui refusent d’être hébergées la nuit dans un lieu aménagé et qui préfèrent rester dehors. Je peux comprendre cela, j’ai vécu moi aussi deux ans dans la rue. J’aimerais pourtant que cet endroit puisse voir le jour, que ces femmes viennent s’y reposer et être un peu au chaud. Entretien réalisé par Isabelle Vazquez.