A quel moment faut-il parler de la sexualité à un adolescent ? J’ai envie de dire qu’il ne faut jamais parler de sexualité à un adolescent ! Je pense que l’adolescent est suffisamment compétent pour en parler et la découvrir par lui-même. Bien sûr, je comprends que les parents s’inquiètent à propos des risques (viols, sida, etc.) que peuvent rencontrer les adolescents dans leur sexualité, mais je leur conseillerais de ne pas poser de questions à leurs enfants, de ne pas être intrusif, de respecter cette découverte. Au collège et au lycée, des infirmières, des psychologues scolaires organisent des groupes de paroles autour de la sexualité au cours desquels les adolescents vont être informés. Je trouve que cette discussion initiée par une tierce personne est un bon moyen pour que l’adolescent puisse engager, ensuite, ce type de dialogue avec ses propres parents. Commencer à parler de la sexualité dès le plus jeune âge est-il un moyen de mieux appréhender ce dialogue à l’adolescence ? Je ne pense pas qu’on puisse faire de la prévention à la sexualité. On peut répondre aux jeunes enfants qui posent des questions bien sûr, mais le discours sera forcément simpliste. Entre la petite enfance et l’adolescence, l’enfant va passer par une période dite de latence, et il ne s’intéressera plus du tout à la sexualité. Ça n’est donc pas parce que vous aurez parlé très tôt de sexualité à votre enfant qu’il sera plus à l’aise une fois adolescent ! Comment faut-il parler de sexualité ? Il faut être le moins descriptif possible et éviter d’exposer ses propres expériences. Il faut jouer le rôle d’un psy et laisser venir la discussion, pousser l’adolescent à poser ses propres questions, le laisser faire son chemin. Aux parents qui ne sont pas à l’aise avec leur propre sexualité, je dirais tout simplement d’éviter le sujet. Quelle attitude doit-on avoir vis-à-vis de la diffusion de films pornographiques ? Je ne pense pas, contrairement au CSA, qu’il faille interdire le porno, et puis c’est impossible. En revanche, il ne faut jamais regarder de film porno avec son adolescent pour lui en parler ensuite. Il ne faut pas être prosélyte. En outre, les parents doivent aussi balayer devant leur porte en évitant d’avoir des cassettes pornos à la maison. La découverte de la sexualité chez un adolescent peut passer par le visionnement de tels films, mais personnellement je crois qu’un adolescent saura faire la distinction entre le film qu’il voit et la réalité. Les images pornos ne créent pas de traumatisme en soi, en revanche elles peuvent révéler plutôt une fragilité intérieure de l’adolescent qu’il faut savoir déceler, écouter. Entretien réalisé par Christelle Célarié Pour aller plus loin Marcel Rufo a publié, entre autres, Oedipe toi-même, en 2000, dans la collection Livre de poche et Frères et soeurs, une maladie d’amour chez Fayard, en avril 2002.