Quel et le rôle du doudou ? Le doudou est un objet transitionnel choisi par l’enfant. C’est un support qui l’aide à se défendre contre l’angoisse de la séparation d’avec sa mère, par l’intermédiaire de laquelle se tissent les premiers liens au monde environnant. Dans notre société, les mères qui travaillent doivent se séparer très tôt de leur enfant. Cette séparation peut poser problème si elle se fait très précocément, sans préparation. Elle a néanmoins une vocation structurante. Ainsi, l’enfant tout d’abord centré et collé à sa mère, découvre petit à petit des parties de son corps, qu’il investit et élargit progressivement au monde environnant, aux objets. C’est dans cet entre-deux que l’enfant, grâce au doudou qu’il s’est choisi, va s’ingénier à rendre présent le lien à la mère, ce qui a pour effet l’apaisement, l’assurance d’une certaine continuité, le sentiment de ne par se sentir perdu. Pourquoi certains enfants n’en ont-ils pas besoin ? Cela revient à se demander comment l’enfant se sépare de sa mère. Si l’objet élu représente la présence de la mère, l’enfant peut utiliser parfois un bout de son corps propre (son pouce qu’il suce, ses cheveux dans lesquels il entoure son doigt, etc…). Dans ce cas, cela peut faire fonction d’aide intermédiaire qui prend sens pour l’enfant (de même qu’une tétine, une musique particulière, un mot, un geste spécifique…), mais cela peut être aussi, dans certains cas, un signe de repli sur soi, une difficulté à créer un autre espace qui l’aide à se “défusionner”. Il est d’ailleurs intéressant de constater que selon les époques, les cultures et les idéologies, les séparations mère-enfant se gèrent de façon différente. En Côte d’Ivoire par exemple, les nourrissons ont recours au sein maternel comme un enfant de culture occidentale a recours à son pouce. Ce sein, par sa disponibilité quasi permanente et sa fonction apaisante, présente des caractéristiques proches de celles d’un objet transitionnel, mais peut par sa constante mise à disposition entretenir aussi l’illusion de toute-puissance du nourrisson. La perte d’un doudou peut-elle être traumatisante pour un enfant ? Elle est en tout cas douloureuse à vivre. Si l’enfant perd son doudou, il faut parler avec lui de ce que cela représente, lui montrer que l’on comprend qu’il a de la peine, car son chagrin est bien réel. Il faut aussi savoir qu’un doudou de remplacement, même identique, n’aura pas, dans les premiers temps du moins, la même valeur que le doudou perdu. Le plus important est d’assurer l’enfant de notre confiance en sa capacité à créer d’autres espaces qui peuvent devenir des espaces transitionnels. C’est le propre de toute action créative, créatrice, l’envie de découvrir le monde… Alors l’enfant quittera un jour son doudou, de lui-même, et on n’aura pas eu besoin de lui faire passer l’envie. Propos recueillis par Isabelle Vazquez.